vendredi 30 septembre 2016

Les meilleurs, un point c’est tout

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Canada 2 - Europe 1

Images of Francois Gagnon
TORONTO - Comme s’ils craignaient que leur titre de champions de la Coupe du monde 2016 ne perde de son lustre parce qu’à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, les joueurs du Canada se sont compliqué la vie.
Et comment!
À l’image du premier match, Sidney Crosby et sa bande ont laissé leurs adversaires venus de l’Europe dicter le rythme. Plus souvent deuxièmes que premiers dans toutes les batailles livrées aux quatre coins de la patinoire, les Canadiens semblaient souvent dépassés par les événements.
Brouillons avec la rondelle, Brent Burns et Drew Doughty offraient du jeu nettement en deçà de leur potentiel. À lui seul, Burns s’est rendu coupable de cinq revirements. Ryan Getzlaf jouait aussi mollement. Même le très incisif trio de Sidney Crosby semblait obnubilé par la qualité du jeu de l’Europe.
Car oui, l’Europe jouait bien. Elle jouait très bien même. À cinq contre cinq, c’est l’Europe qui contrôlait l’activité sur la glace. Elle méritait de prendre les devants. Une fois en avant, elle méritait de protéger son avance tant elle jouait bien et que le Canada ne jouait pas assez bien.
En toute fin de deuxième période, Steven Stamkos est passé dans le vide en tentant de décocher un tir frappé de la ligne bleue. Non seulement est-il passé dans le vide, mais Stamkos s’est retrouvé sur le dos.

Ce jeu illustrait très bien l’allure de la partie jusque-là.
En arrière 1-0 après 40 minutes de jeu, le Canada était dans le trouble. En arrière 1-0 après 50 minutes l’était plus encore. La foule s’impatientait. Elle grognait même. Car malgré la gravité de la situation, on ne sentait pas encore le Canada hausser son niveau de jeu pour se sortir du trouble.
Sur la galerie de presse, dans la loge où ils étaient entassés, les dirigeants d’Équipe Europe suivaient ce qui se passait sur la patinoire. Au lieu d’avoir des visages crispés par la tension, ils affichaient des sourires béats. Comme si eux non plus ne comprenaient pas vraiment ce qui se déroulait 40 mètres plus bas.
Les sourires se sont assombris rapidement.
Quel travail de Perry
Blanchi lors de ses quatre premiers avantages numériques dans le match, limité à deux buts en 18 attaques massives depuis le début du tournoi, le Canada a profité d’une pénalité décernée à Anze Kopitar pour niveler les chances.
Patrice Bergeron a fait dévier un tir de la pointe pour niveler les chances.
Le Québécois qui a couronné un tournoi magistral avec ce but a joué les héros une fois encore.
Mais le gros jeu qui a mené à ce but, c’est Corey Perry qui l’a accompli. Gros, grand et fort, c’est Perry en se démenant derrière le filet de Jaroslav Halak qui a forcé Anze Kopitar à venir aider son défenseur qui peinait à contrer le gros attaquant canadien. Même à deux sur le dos de Perry, les Européens n’ont pu le contrer. Kopitar en a mis un brin trop et il a été puni.
Perry n’était pas sur la glace quand Bergeron a compté. Il n’a donc pas obtenu de passe. Mais pendant que dans le vestiaire des perdants on maudissait l’arbitre qui a décerné la pénalité, dans celui des gagnants on félicitait celui qui a forcé l’arbitre à décerner cette pénalité.
Après ce but de Bergeron, la table était mise pour une prolongation. Dans les gradins, on s’est mis à rêver à un autre but en or de Sidney Crosby. Un but en prolongation comme celui qui avait donné la victoire au Canada face aux États-Unis en finale des Jeux olympiques de Vancouver en 2010.
Une pénalité écopée par Drew Doughty a calmé les esprits. Le bruit de la rondelle qui a frappé le poteau à la gauche de Carey Price qui était battu par le tir frappé de Roman Josi a fait craindre le pire.
Amnistie pour Marchand
Mais parce que les meilleurs trouvent toujours, ou presque, les moyens pour être les meilleurs, Jonathan Toews a orchestré une sortie de zone intelligente. Il a pris le temps de regarder autour de lui pour comprendre qu’il avait du temps. Il a ainsi permis à son coéquipier Brad Marchand de venir le rejoindre en zone ennemie. Et dès qu’il a senti le moment bien choisi, Toews lui a largué la rondelle en retrait et Marchand en a profité pour décocher un tir frappé qui a surpris Jaroslav Halak.
Pratiquement battu moins de deux minutes plus tôt, voilà que le Canada était en avant 2-1. Prêt à remettre à samedi la conquête d’un titre qu’on leur avait peut-être concédé trop vite moins de deux minutes plus tôt, le Canada amorçait ses célébrations sur le banc.
Perdu au milieu de ses coéquipiers qui l’entouraient, Brad Marchand s’est assuré des soirées plus tranquilles à Montréal comme dans toutes les autres villes canadiennes lors des prochaines escales des Bruins. Avec cinq buts enfilés lors du tournoi, et particulièrement son but gagnant dans le match de championnat, il ne devrait plus être accueilli par des huées. Ou seulement par des huées… Du moins pour un temps.
« Il demeurera toujours une peste. Mais c’est aussi un excellent joueur de hockey », a mentionné Mike Babcock lorsqu’on lui a demandé si Marchand profiterait d’une amnistie pan canadienne pour le reste de sa carrière.
Sur les traces de Sakic et Niedermayer
Babcock s’est ensuite assuré de remettre les pendules à l’heure avec tous ceux, et ils sont nombreux, qui minimisaient la portée des victoires de son équipe en raison du manque d’opposition déploré depuis le début du tournoi.
« J’espère que vous avez réalisé qu’on affrontait vraiment une bonne équipe en finale. J’espère que vous avez réalisé que cette équipe était composée de joueurs qui sont de très bons joueurs dans la Ligue nationale. Ils nous ont donné beaucoup de difficulté. Mais c’est quand les choses se corsent que les grands joueurs se distinguent. Qu’ils livrent la marchandise. Qu’ils gagnent. Et ce soir, nos gars ont livré la marchandise », a fièrement lancé Mike Babcock lors de son point de presse.
Babcock, qui s’est contenté du dernier rang dans la LNH l’an dernier à sa première saison à la barre des Maple Leafs de Toronto, ajoute une Coupe du monde à ses médailles d’or olympiques et ses médailles d’or en championnats du monde senior et junior et bien sûr à sa coupe Stanley.
Il est le premier entraîneur-chef à réaliser ce quintette doré. Sidney Crosby, Patrice Bergeron, Jonathan Toews et Corey Perry ont atteint le même plateau que leur entraîneur-chef. Ils joignent Joe Sakic et Scott Niedermayer qui étaient jusque-là les deux seuls Canadiens à revendiquer pareille récolte.
« C’est spécial, mais je dois remercier Hockey Canada de m’avoir permis de diriger d’aussi bonnes équipes au fil des années. Car ce sont les joueurs qui me permettent d’obtenir ces résultats », a humblement souligné Babcock qui fait rarement dans l’humilité il faut dire.
« C’est un honneur très spécial que je dois partager avec mes coéquipiers », a tout aussi humblement réagi le Québécois Patrice Bergeron.
Expérience rassurante
En passant, Bergeron assurait que malgré les minutes qui s’égrainaient au cadran et le temps qui commençait à manquer, ses coéquipiers et lui étaient loin de paniquer.
« On est toujours demeurés confiants sur le banc. On savait qu’il ne fallait qu’un tir pour niveler les chances et peut-être faire tourner le match. Plusieurs pensaient que cette finale serait facile. Mais ils ont joué du très gros hockey contre nous. Ils nous ont vraiment compliqué le travail. Mais le fait d’avoir autant de bons joueurs sur le banc aidait à garder espoir. Pas juste à cause du talent. Mais aussi parce que tous ces gars ont gagné dans le passé. Ils sont passés par des situations difficiles au cours desquelles ils ont dû puiser dans leurs réserves pour effectuer des remontées. C’est pour ça que nous ne paniquions pas. Nous gardions confiance parce que nous savions ce qui devait être fait », a ajouté Patrice Bergeron.
Tout ça est bien vrai. Mais ce qui l’est aussi, c’est que la courtepointe de joueurs formant l’Équipe Europe a une fois encore jeudi disputé un meilleur match que le Canada. « On vient d’offrir au Canada la plus grosse opposition qu’ils ont affrontée depuis le début du tournoi. On méritait vraiment de pousser cette finale à la limite », a ajouté avec raison l’entraîneur-chef Ralph Krueger qui a ajouté une autre brillante performance à sa fiche derrière le banc de l’équipe européenne.
Mais les Dieux du sport ne l’ont pas vu ainsi.
Injuste le sport parfois?
Mettez-en!
Mais de Sidney Crosby qui a récolté le titre de joueur par excellence de la Coupe du monde au terme d’un match qui lui a permis de signer une 25e victoire consécutive dans l’uniforme du Canada, à Carey Price qui a eu le dessus sur un Jaroslav Halak qui n’a rien de rien à se reprocher, en passant par Jonathan Toews qui a non seulement accepté le rôle de centre de troisième trio qu’on lui a confié, mais l’a rempli à la perfection, les joueurs du Canada ont simplement prouvé qu’ils étaient les meilleurs.
Les meilleurs, un point c’est tout.
Et les meilleurs sont champions de la Coupe du monde 2016.